L'enfant qui avait peur du noir - (Petit conte)

Mon papa est trèèès intelligent ; mais il pose quand même parfois des questions... vraiment très bêtes !! Comme si un méchant magicien l'avait transformé en cornichon géant, ou en âne... ! C'est ce qui lui arrive ce soir, au moment de me mettre au lit.

Moi, j'ai peur du noir. Mon papa, non. Il demande : « Allons, mon poussin, comment peut-on avoir peur du noir, dis-moi ? ». Il trouve ça drôle. Le noir, ça le ferait presque rigoler. Alors il voudrait que je lui explique un peu mieux ; que je lui dise ce qui me fait peur dans le noir. « Eh bien... mais le noir, papa !! Ce n'est pourtant pas si compliqué ! » Pffff ! C'est vrai qu'il ne comprend rien ! Mais au moins il essaye, il fait des efforts, car il m'aime très fort, très fort, et il tente de me rassurer. Il n'abandonne pas. Il réfléchit un instant, puis me demande : « As-tu vraiment peur DU noir ? Moi, je croirais plutôt que tu as peur DANS le noir ! Tu sais, ce n'est pas du tout la même chose ». Le sourcil levé, l'oeil rond, la bouche ouverte, je le regarde avec un drôle d'air : pour moi, sa question, c'est du chinois ! Peur DU noir ou DANS le noir, c'est pareil. J'ai-peur-un-point-c'est-tout-et-y'a-rien-à-rajouter !!

Mais il insiste : il me demande si je crains de me faire mal, en me cognant contre les murs ou les meubles. « Non, ce n'est pas ça, papa ». Je n'ai pas peur de me cogner ni de me perdre dans le noir. Je ne sais pas trop non plus si j'ai peur des monstres. Je ne suis même pas sûr que les monstres existent. C'est que des monstres, des grands méchants loups, des fantômes, des trolls, je n'en ai jamais vu. Mais le noir... il existe, lui  ! Il existe... vraiment ! Je l'ai vu bien des fois, et bien vu, de mes yeux à moi ! Et il me fait très peur, car tout peut arriver, dans le noir ! Brrrr !

Ca, il n'y a que les enfants qui le sachent. Je veux dire : qui le sachent « vraiment-vraiment ». Mais mon papa est une grande personne. « Papa, je crois que tu ne peux pas me comprendre... Tu n'a jamais été un enfant, toi ? ». Papa  fronce les sourcils ; il a l'air un peu embêté. Il se remet à penser.
Après un moment, il hoche la tête en souriant, et me dit avoir eu lui aussi la même peur, quand il avait mon âge. Et il se souvient que mon grand-papy lui avait alors expliqué pourquoi il ne faut pas avoir peur du noir. « Oh, vas-y, Papa, raconte-moi ! Que disait grand-papy ? ».

Papa cherche un peu dans ses souvenirs, puis il commence à son tour à m'expliquer : « C'est très simple. Mais ouvre bien grand les oreilles quand même. Commence par me donner la main. Je vais maintenant éteindre la lumière et toi, tu vas bien regarder ce qui se passe... Voilà... Est-ce que ça va pour toi ? ». « Eh bien, heu... il fait noir maintenant ! Et j'ai un peu peur, même si tu me tiens la main... ». « Bon ! Je vais rallumer. C'est surtout maintenant qu'il faut faire bien attention... Regarde bien,... Es-tu prêt ?... ...  Hop ! Voilààà ! ... ... Tu as vu ? ».

« Heu... vu quoi, Papa ? ». « Mais tout simplement... où est parti le Noir ! ». ... (Silence... J'ai à nouveau l'air un peu ahuri... Qu'est-ce qu'il raconte là, Papa ?)  Papa reprend : « Dans le noir, le Noir ne pouvait pas te voir - puisqu'il faisait noir. Ce qui se passe quand la lumière revient, eh bien, c'est que le Noir, il te voit tout à coup... Et comme tu es beaucoup plus grand et plus fort que lui, il file se cacher à toute vitesse... car il est très craintif !
Tu sais, il est si petit qu'il pourrait tenir dans la main d'un enfant, si seulement on pouvait l'attrapper... Mais jamais personne n'y est arrivé, tant il court vite se cacher quand on rallume la lumière. On n'a même jamais eu le temps de voir s'il se réfugie dans le coffre à jouets, entre les livres de la bibliothèque, derrière une tenture ou sous le tapis...

Tu sais, certains ont essayé de l'attrapper en lui tendant un piège, en l'attirant avec une nourriture dont il raffole - de la glace à la glace ; ou des cacahuètes au beurre de cacahuète... - mais il est tellement peureux que, même attiré par d'aussi délicieuses odeurs, il reste bien caché. Mais moi, tu sais, j'espère encore qu'en le cherchant bien, j'arriverai un jour à l'attrapper ». Papa fait une pause. Une pause assez longue pour que je comprenne bien ce qu'il vient de me dire...

C'est incroyable ! Jamais je n'aurais imaginé cela... « Dis, Papa, pourquoi ne nous apprend-t-on pas cela à la maternelle ? Ce sont quand même des choses très-très-très importantes ! ». Il éclate de rire ; d'un rire énorme, qui fait trembler les murs, et qui doit sûrement achever de terrifier le Noir. Et il me demande : « Est-ce que tu voudras bien m'aider à l'attrapper, un de ces jours ? ». « Tu veux dire : pour de vrai, Papa ? Tu crois que je pourrais t'aider ? Ca ne serait pas dangereux pour moi ? ». « Montre-moi ta main... Hmmm, ta main est bien assez grande ! Oui, je suis sûr que ça ira ! »

Je lui ai sauté au cou, en criant : « D'accord, mon papou !! ». Depuis ce jour-là, moi et mon Papa, nous n'avons toujours pas attrappé le Noir. Mais je n'ai plus peur. J'ai même pu donner toute mes veilleuses à ma petite soeur. Ma petite soeur, c'est un vrai bébé, vous savez : elle a peur du noir !

Joli ! :4/5:

Que ce petit conte est beau !... et rassurant !

Moi qui, bien que n'étant plus enfant redoute toujours l'obscurité, j'ai adoré cette "mise en lumière" sur le noir !

Une belle histoire qui pourrait devenir un beau livre de conte illustré à lire le soir à un enfant.
Bravo
:5/5:

Bonjour à tous, et merci pour ces com'.
A toi surtout, Rêverie, pour m'ouvrir les yeux sur ce point : je ne devrai pas, dans  ma recherche d'un éditeur, me limiter aux maisons jeune public
Quant à l'idée d'en faire un livre en images, moi qui ne sais pas dessiner, j'ai quand même décidé de m'y atteler. En commençant par la page où il fait tout noir : troooop facile !!    

Belle journée à todos,

Alain

Ah zut, pas de chance, la page où fait noir, c'est justement celle pour laquelle je voulais te proposer mes talents de dessinatrice !

Les grands esprits - que dis-je : les grands dessinateurs ! - se rencontrent !  

Ce texte étant proposé en rubrique "divers", laquelle est peu visitée ces derniers temps, je lui accorde un petit sursis afin qu'il puisse recevoir le nombre minimum requis de notes pour que son bilan puisse lui ouvrir les portes de l'archive...

Soyez-en remercié, Messire !
Vous êtes trop bon  

Une sacrée belle comptine ,qui raconter par les yeux d'une enfant est touchante .
J'aime beaucoup ,la fin est excellente . :5/5: Bravo .

Ce texte a obtenu une fois 4 crayons et deux fois 5 crayons.
Ce bilan lui confère le privilège d'être archivé dans la nouvelle rubrique d'archive du Crayon du Parolier, au vu de ce bilan peu étoffé mais positif.